Le tourisme sexuel

Parce que beaucoup consacrent un temps important à la fréquentation des bars à filles,
bordels ou salons de massage
, les touristes mâles farang sont perçus par certain comme des « fousdesexe ».
La retenue et le contrôle des émotions caractérisent selon les bouddhistes l'être civilisé.
Comme, en retour, le comportement débridé de certains visiteurs étrangers repose sur le cliché du libertinage,
chacun projette sur l'autre les mêmes fantasmes de surpuissance sexuelle,
faisant de lui une figure fascinante et inquiétante.



Pourtant l'ampleur prise par le marché de laprostitution en Thaïlande n'apparaît pas réductible
à la seule demande touristique, même si celle-ci joue les premiers rôles dans la perpétuation
d'une image fantasmatique du pays.

En rapport avec une longue tradition de polygamie et de mercantilisation des femmes,
avec une interprétation populaire très accommodante de l'acte méritoire bouddhique
et du fait aussi d'une économie nationale qui repose sur le principe des migrations tournantes,
la demande intérieure prévaut.

La prostitution répond d'abord et avant tout aux désirs des hommes thaïlandais.
D'où la tolérance et même la connivence qu'ils manifestent envers les clients mâles farang,
d'où aussi une tendance générale à dédramatiser le phénomène,
y compris dans les plus hautes sphères de l'État.

fille pattaya asie


Dans le bar, les filles patientent
. Elles attendent qu'un client leur paie un verre avant de leur proposer une passe.
Mais quelles histoires se camouflent derrière leurs allures de poupée et leurs tee-shirts trop ajustés ?

Toutes ont pourtant des parcours différents mais avec, comme point commun, la misère.
Généralement déracinées de leur province, souvent mineures,
les jeunes femmes n'ont finalement pas d'autre choix que la prostitution.
Et puis, ne leur promet-on pas monts et merveilles? Belle maison, grosse voiture,
easy life que la télévision, omniprésente, met en exergue dans chaque pub, chaque feuilleton.

En Thaïlande, vendre son corps est presque une tradition qui remonte au XIXe siècle,
avec l'arrivée massive de travailleurs chinois dont les besoins seront à l'origine
d'un premier pic de la prostitution de grande ampleur.
La guerre du Vietnam relancera l'activité. En concluant un accord avec le gouvernement thaïlandais,
les ÉtatsUnis faisaient du royaume un lieu de « repos et de loisirs » (rest and recreation sites) pour plus de 700000 GI's.
Le simple financement de l'opération est une véritable manne de 4 millions de dollars pour la Thaïlande,
ce qui laisse aisément imaginer le profit qui vint ensuite. Et qui n'est toujours pas tari puisque, en 1992,
la Thaïlande recevait tout un contingent de boys envoyés se « détendre »
au sortir de la guerre du Koweït.

Dès lors, tout était en place pour que se développe, dans l'esprit des Occidentaux,
l'image d'un pays aux femmes lascives et, il va de soi, amantes hors du commun.
Un vaste mensonge, soigneusement entretenu par une publicité à la limite du sous-entendu
sexuellement explicite et par le fantasme des visiteurs européens, nord-américains ou australiens.

Thaïlande, pays du sourire et dusexe facile !
Rêve encore entretenu par la littérature et le cinéma, dont l'inévitable Emmanuelle
qui met en scène un Bangkok extrêmement chaud ! C'est ainsi que se répand un mythe,
une légende profondément ancrée dans le cerveau de huit millions de touristes par an...

Cependant, la Thaïlande ne doit pas seulement sa réputation de pays léger aux fantasmes occidentaux.
Historiquement, on peut voir dans l'ancienne société siamoise l'origine première de cette activité.
La polygamie et le concubinage étaient, jusqu'aux années 1920, totalement légaux :
entretenir plusieurs « grandes » et « petites » épouses était l'apanage de la noblesse.
Dès l'entrée de la Thaïlande dans l'ère de la modernité, ce privilège se transmit aux classes aisées.
Avec le libéralisme économique, la prostitution sera vite vue comme un moyen
comme un autre de gagner de l'argent.
La relative acceptation des concubines par les femmes légitimes a dans le même temps glissé
vers une nette complaisance envers les prostituées, une visite de temps en temps
étant finalement moins onéreuse pour le mari que d'entretenir une maîtresse...


Parallèlement, le bouddhisme, tout en étant garant de la morale,
prône la tolérance envers ceux qui s'en écartent. Ainsi, il entretient l'idée qu'un homme
qui va voir une prostituée, entachant ainsi sa moralité, peut se racheter
assez facilement en faisant de bonnes actions.
Il en va de même pour les prostituées qui vendent leur corps...
Par ce truchement, la prostitution est socialement exempte de la connotation négative
propre aux grands concepts judéo-chrétiens.

Il n'est donc pas infamant de se prostituer en Thaïlande, et cela correspond toujours à un destin,
quelle que soit la signification que l'on donne à ce terme.


suite ... Les bars à fille